Lorsqu'on pense à Jackie Stewart, on a immédiatement l'image d'une Tyrrell bleue qui remporte encore une autre victoire, et d'un pilote avec des lunettes noires et des favoris. Mais le nom évoque surtout un champion avec un incroyable sens des affaires et en outre le pilote le plus astucieux qui ait jamais couru en Formule 1.
Champion du monde en 1969, 1971 et 1973, Jackie avait également un grand flair commercial, ce qui ouvrit les portes aux salaires mirobolants dont bénéficient les pilotes d'aujourd'hui. Ayant vu mourir un grand nombre de ses amis et de ses contemporains, l'une de ses préoccupations était de rendre la Formule 1 plus sûre et de s'assurer que les pilotes soient rémunérés en proportions des risques qu'ils prenaient. Alors que d'autres pilotes hésitaient à s'engager, ce petit écossais s'accrocha à ses principes.
Réglage du tir
Il s'était trouvé lui-même emprisonné sous sa voiture retournée au Grand Prix de Belgique en 1966 avec l'essence lui dégoulinant sur la combinaison. Par miracle, aucune étincelle n'alluma cette torche potentielle et il put continuer sa carrière mais il ne souhaitait pas se retrouver dans une telle situation. C'est ainsi qu'il s'embarqua dans une croisade pour la sécurité, laquelle sauva indubitablement de nombreuses vies. Aujourd'hui, Jackie Stewart s'occupe d'un organisme qui aide les mécaniciens victimes d'accidents. Rares sont les pilotes ayant de telles préoccupations ; quant à lui, c'est non seulement un homme de principe mais aussi d'action.
Alors que Prost voulait être footballeur, Jackie était déjà en train de revenir tireur d'élite, mais il ne réussit pas à se qualifier pour se représenter la Grande-Bretagne aux Jeux Olympiques de 1960. Ce fut peut-être cette déception qui l'amena à suivre son frère aîné Jimmy dans la course automobile afin de donner un exutoire à sa nature compétitive. Bref, quelle que soit la raison, ses premières courses avec l'équipe Écurie Ecosse démontrèrent que Jackie avait des qualités très spéciales derrière un volant.
Les voitures GT et de sport ne lui suffirent pas très longtemps et Ken Tyrrell le repéra et le plaça dans sa voiture de Formule 3. Des victoires s'ensuivirent rapidement et il fut bientôt quasiment harcelé par Lotus pour y être engagé en 1965 mais, bien qu'il conduisit pour Lotus en Formule 2 ultérieurement cette année-là, il refusa et alla plutôt chez BRM. Très peu de pilotes gagnent des courses dans leur première saison de Formule 1, mais Jackie fut l'un d'entre eux, triomphant dans sa huitième sortie seulement, le Grand Prix d'Italie. Le fait qu'il termina sa première année troisième au classement général derrière Jimmy Clark et son coéquipier de BRM Graham Hill prouvait qu'il était l'homme à ne pas perdre de vue.
Restant chez BRM, Jackie démarra sa campagne de 1966 dans le meilleur style possible, gagnant dans les rues de Monaco. Mais ce fut un coup de chance, car la BRM ne s'avéra plus aussi compétitive quand l'équipe de Brabham prit les commandes. Jackie ne gagna plus d'autres courses avant le Grand Prix des Pays-Bas de 1968, époque à laquelle il fut réuni avec son patron antérieur Ken Tyrrell.
Les années Tyrrell
Sur la période des neuf ans de Jackie en Formule 1, six années furent passées chez Ken Tyrrell. Tout d'abord c'était dans une Matra à moteur Ford inscrite pour la marque française par le propriétaire de l'équipe britannique et il remporta trois victoires en 1968. La deuxième année de cette combinaison fut encore plus réussie car Jackie Stewart remporta six courses et le titre.
Au cours d'une période faste pour les pilotes britanniques, il ramassa sa couronne de Championnat du monde qui était la sixième pour un Britannique depuis celle remportée par Graham Hill sept ans auparavant. Ensuite, en 1970, la Matra fut remplacée par la March construite en Grande-Bretagne. Mais Jackie ne pouvait pas rivaliser avec la Lotus de Jochen Rindt ni les Ferrari. Enfin, en 1971, l'équipe envoya Jackie et son coéquipier François Cevert se battre dans des Tyrrell construites par eux-mêmes à un moment où peu d'entrepreneurs pouvaient rivaliser avec la vitesse et la constance des voitures bleues sponsorisées par Elf. En perfectionnant sa façon de piloter avec un tour d'ouverture à très grande vitesse, qui lui permettait de distancer tous ses rivaux puis de maîtriser la course à sa propre vitesse, Jackie Stewart triompha six fois en 1971. L'année suivante, cela lui donna encore quatre victoires, mais il fut battu pour le titre par le pilote de Lotus Emerson Fittipaldi. Ensuite, en 1973, il empocha cinq victoires quand il atteignit Watkins Glen, qui était le terrain du Grand Prix des États-Unis.
Ce fut à ce circuit difficile, dans le Nord de l'Etat de New York, que Jackie décida de remettre son casque au vestiaire immédiatement. Pas parce que c'était la fin de la saison et qu'il en avait eu assez des voyages, mais à cause de la mort de son coéquipier Cevert dans un accident en qualification. Jackie ne pouvait pas le supporter. Ken Tyrrell retira sa participation et Jackie ne courut plus jamais. Ses 27 victoires en Grand Prix (avec 99 départs) devaient rester un record seulement battu par Prost dans le Grand Prix du Portugal en 1987 (son 118e Grand Prix).
Une retraite active
Comme de nombreux pilotes, il semble que Jackie Stewart se soit davantage occupé du sport depuis qu'il est à la retraite. En tant que consultant et ambassadeur pour de nombreuses sociétés financières, il continue à être une force motrice. Aujourd'hui, il est le dignitaire de la Formule 1, le plus actif et le plus respecté. Jackie s'est associé avec son fils Paul, qui gère une équipe de course très active en Formule 3000, en Formule 3 et en Formule Vauxhall, pour revenir en Formule 1 en 1997 sous les couleurs de Stewart Racing. Mais il céda son écurie à Jaguar non sans avoir marqué l'histoire en remportant un Grand Prix grâce à son pilote Johnny Herbert en 1999.